Chevigny-Saint-Sauveur, une commune voisine de Dijon en 1940-1944

Publié le par Bernard

Préambule

Toutes les parties relatives à l’occupation de la ville de Dijon sont extraites de la thèse de doctorat et du livre très complet de Pierre GOUNAND. Elles composent l’essentiel de ce récit que complètent quelques souvenirs propres à la commune de Chevigny-St-Sauveur. Ce texte est reproduit avec l’accord dudit auteur que nous remercions vivement.

Le Choc !

L’offensive allemande du 10 mai 1940 et les premiers revers de l’armée française mettent un terme à la « drôle de guerre ». Ce 10 mai déjà, la base aérienne de Longvic est bombardée à deux reprises : à 6 heures et 15 heures. Il y a des tués et de gros dégâts matériels. Des combats aériens s’engagent dans le ciel de la région dijonnaise. Plusieurs appareils sont abattus. Puis le 13 nouveau bombardement, 12 appareils sont détruits au sol.

En juin 1940 c’est la « débâcle ». Civils et militaires encombrent les routes fuyant l’avance des allemands, le tout dans un indescriptible désordre.

Dans cette tourmente, à son tour Chevigny va vivre au rythme de la guerre et de l’occupation. Déjà les bombardements de la base de Longvic, si proche, ont mis en émoi toute la population et la peur des envahisseurs s’installe.

L’approche des troupes allemandes avec toutes les horreurs que chacun ne pouvait s’empêcher d’imaginer, amplifie l’effet de panique.

Comme partout du Nord à l’Est, en vitesse, abandonnant tables garnies, bêtes et récoltes, la plupart des Chevignois prennent le départ pour aller grossir le flot des fuyards qui encombrent les routes…

Quelques-uns sont restés pour « garder »le village, d’autres n’iront pas très loin, juste au bout du département et rentreront vite au bercail.

La débâcle

L’arrivée des Allemands.

L’occupation de la ville de Dijon ne laissera pas insensible notre commune si proche et les événements qui marqueront la capitale bourguignonne seront fatalement ressentis à Chevigny-St-Sauveur.

A partir du 10 juin les troupes allemandes font notamment route en direction de Dijon. Le 16 la 4° DB allemande est à Sombernon, aux portes de Dijon. La défense de la place est relativement bien organisée mais l’armement y est désuet et les munitions sont rares.

Vers 22 heures, la ville subit de la part de la Luftwaffe un bombardement aérien. Il se solde par 40 tués et de gros dégâts. Les colonnes allemandes atteignent Dijon vers 15 heures. L’occupation va commencer car le 22 juin 1940 Pétain signe l’armistice à Rethondes.

A partir de l’automne et pendant plus de 5 mois, Chevigny-St-Sauveur vit aussi l’occupation, un poste de commandement allemand est installé au château. Pour y faire la fête, les officiers y transporteront le piano de l’institutrice (Mme Jambard). Bon nombre de famille doivent aussi héberger officiers ou sous-officiers. Mais cette présence à Chevigny ne semble pas avoir laissé de souvenirs particuliers chez les anciens.

Le Conseil Municipal et son Maire voteront en octobre et décembre 1940 des crédits pour la nourriture des prisonniers prenant leur repas au « bistrot » local. A chaque fois aussi une somme sera attribuée pour le blanchissage du linge de maison des officiers allemands logés au château. Cependant, au vu des délibérations, les préoccupations locales resteront concentrées sur la vie rurale de la commune et principalement l’attribution des lots de bois pour les affouages, il fallait se chauffer.

La vie quotidienne

C’est aussi dans le changement de leur cadre de vie, que les dijonnais saisissent davantage l’étendue et le poids de leur assujettissement aux vainqueurs. Dès le premier jour d’occupation, le drapeau tricolore a été retiré des façades de tous les édifices publics ou des cours des casernes et souvent remplacé par des drapeaux rouges croisés de noir à croix gammée dans un cercle blanc. Des panneaux indicateurs en bois, rédigés en allemand, surgissent à chaque carrefour. On note aussi que deux responsables municipaux reçoivent l’ordre de se rendre à Chevigny-Saint-Sauveur pour assurer le ravitaillement du lait.

Une urgence aussi, sera l’aide aux prisonniers de guerre et aux réfugiés. Qui sont-ils ? Ce sont les combattants français qui avaient été fait prisonniers au cours des combats. Ils furent internés provisoirement à Longvic (40 000 prisonniers). Les autorités allemandes imposent des corvées aux prisonniers pour effacer les traces de la guerre. Un véritable trafic d’évasion s’instaure sous la houlette du chanoine Kir. Ce camp sera fermé en janvier 1941.

C’est aussi le rationnement et voici à titre d’exemple ce qu’a droit un adulte en février 1943 à Dijon (catégorie A).

  • 350 g de pain par jour.
  • 125 g de viande par semaine + 50gr de fromage.

Et par mois :

  • 280 g de matières grasses.
  • 750 g de sucre.
  • 15 g de café pur.
  • 150 g de café mélangé.

Pas de farine, pas de riz, pas de pâtes…

A Chevigny-Saint-Sauveur, c’est en mars 1941 que sont établies les cartes d’alimentation. En 1945, le conseil municipal votera encore des crédits pour rémunérer une personne pour la distribution de celles-ci.

Les moyens de transport sont limités, dès 1940 les Allemands ont recensé tous les véhicules et le plus grand nombre sera réquisitionné. Les pénuries d’essence imposent aussi l’utilisation des chevaux pour assurer les approvisionnements

.Carte de circulation

Les restrictions et la pénurie

Durant l’hiver la vie s’organise autour des restrictions en tous genres. Le marché noir se développe.

Dans la crainte d’éventuelles attaques aériennes, toutes les sources de lumière artificielle doivent être camouflées. Pour des raisons de sécurité, le couvre-feu sera en vigueur durant toute l’occupation.

L’hiver 40/41 est particulièrement rigoureux et les conditions climatiques créent des problèmes de chauffage. Les stocks de bois de chauffage sont déclarés et la consommation de gaz pour le chauffage limitée. A cela s’ajoute la pénurie de vêtements chauds. Comme partout les dijonnaises détricotent, retricotent, teignent, retournent, retaillent, ravaudent, échangent les vieux vêtements pour les user jusqu’à la corde.

Le pays souffre car il est coupé de toutes sources d’approvisionnement extérieures. L’Argentine fournissait la viande, le Canada le blé, les colonies le cacao, le café, le riz, le sucre, l’huile, le vin, les bananes, les oranges et les dattes. La ligne de démarcation constitue aussi une entrave aux échanges du commerce intérieur.

Comme pour les vêtements et les chaussures la distribution de biens de consommation est contrôlée sur l’ensemble du pays : bons d’achat et cartes d’alimentation.

Tickets de rationnement

Quelques autres repères…

En juin 1941 la Wehrmacht franchit les frontières de l’URSS, la seconde guerre mondiale entre dans sa seconde phase. En France, l’installation de la « GESTAPO » constitue le fait institutionnel le plus marquant de l’époque. Cet organisme deviendra le plus redouté et le plus redoutable de l’ensemble du système policier de l’Allemagne nazie.

En 1943, nos concitoyens connaîtront le Service obligatoire du travail (STO) avec les réticences des appelés, les sanctions, les contrôles. A cette époque aussi la Résistance se développe, se structure, et se fait connaître, elle combat d’abord l’occupant, mais également le régime collaborationniste et ses partisans.

Répression et résistance

Dans notre région la résistance organise peu à peu des maquis, elle multiplie les sabotages notamment sur les moyens de communication et de transport (SNCF, Voie d’eau). Les attentats s’amplifient. Alors la longue litanie des fusillés s’égrené, dont 4 jeunes normaliens au printemps 1942…

« La chasse aux terroristes » mobilise les miliciens dont l’absence de moralité donne à leur action les formes les plus cruelles et les plus perverses. Dès janvier 1944 les arrestations sont de plus en plus nombreuses.

Le 6 juin 1944 l’annonce du débarquement allié engendre l’enthousiasme dans la plus grande partie de la population. L’éventualité de bombardements aériens germe très tôt dans l’esprit des occupants qui organisent sérieusement leur protection.

Le premier bombardement à lieu le 28 mars 1944. Pendant 25 minutes, 8 vagues d’avions lâchent 2000 bombes (100 tonnes) sur la base aérienne de Longvic. Imaginons le ciel de Chevigny ce jour là !

Dans la nuit du 6 juillet pendant 23 minutes plusieurs vagues d’avions bombardent le dépôt SNCF de Perrigny. On déplore des dégâts importants sur le territoire des communes de Dijon et Chenôve, des tués et de nombreux blessés.

En août le centre ferroviaire de Perrigny et la base aérienne de Longvic sont à nouveau la cible des bombardiers américains, paralysant encore davantage les transports des troupes allemandes et leurs armements.

Cependant les occupants ne relâchent pas leur étreinte, ils multiplient les rafles, les arrestations, plus d’une cinquantaine. Les déportations continuent, les exécutions ne ralentissent pas.

A compter du 1er août les exécutions ne sont plus au « stand Montmuzard » mais dans les bois environnants. Dans les bois de Chevigny-Saint-Sauveur entre le 11 et le 22 août, 10 patriotes sont exécutés ; parmi eux : le commandant Portefaix et le capitaine Jeannet (« Brune »)

Le Monument des fusillés, rue Hélène Jambard témoigne de ces douloureux évènements.

Libération

Les occupants plient bagages à partir du 22 août 1944. Le 6 septembre, Dijon cesse de dépendre de l’Administration militaire allemande.

L’avancée des alliés fait fuir les allemands. Ils traversent Chevigny-Saint-Sauveur en venant de Crimolois enfourchant vélos ou chevaux volés ça et là.

L’honneur de libérer la capitale bourguignonne revient au 2° CA et plus précisément à la 1ere DB du Général Vigier. Les allemands décrochent les 10 et 11 septembre, Dijon est libéré.

 

Publié dans C'était autrefois

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