L'Histoire de Chevigny-St-Sauveur - La monographie... -3 -
Information importante : Ce document est la reprise en plusieurs articles de la monographie publiée en 1972 par la section Plein-Air et Culture de l’ASC. Les écrits de l’abbé Marilier, alors Conservateur des Monuments Historiques qui sont ici repris sont parfois devenus obsolètes en raison de l’avancée des recherches effectuées depuis.
LA CONDITION DES HABITANTS ET DES TERRES.
A la Révolution, quand fut proscrit tout ce qui rappelait le culte catholique, le village prit le nom de Chevigny-Sauveur. Les biens ecclésiastiques furent vendus nationalement. Cela nous permet de connaître quelques possesseurs sur le finage.
La fabrique de l'église paroissiale possédait 25 journaux de terres et trois soitures de prés, soit environ 9 hectares et demi, ils furent achetés par un vinaigrier et un marchand de Dijon. Les Chartreux de Dijon avaient une grosse propriété : 167 journaux de terres labourables, soit près de 58 hectares ; le couvent du Bon Pasteur : 30 journaux (10 ha), la cure de Chevigny : 10 journaux et 15 soitures de prés (environ 8 ha au total) qui servaient jusque-là la subsistance du curé ; quelques terres et prés étaient possédés par la Chapelle-Saint-Edme de l'église Saint-Jean, la Sainte Chapelle, la cathédrale (Saint-Etienne) et le Collège de Dijon.
Tout cela fut vendu, mais non les propriétés du château, car Odette de Rochefort n'émigra pas. Elles restèrent dans la famille, et consistaient en 220 journaux de terre, 130 soitures de prés et des bois.
Par la loi municipale du 14 décembre 1789, la communauté des habitants de Chevigny et de Corcelles, qui constituait en fait la paroisse, devint une commune selon la nouvelle administration française, et les habitants, des citoyens.
Jusqu'alors, ils étaient demeurés soumis au paiement de la taille seigneuriale. Dans leur cas, il s'agissait d'une «taille abonnée», c'est-à-dire d'un montant fixe. Ils la payaient deux fois l'an.Les habitants de Corcelles avaient un four banal ; le moulin banal du Moyen Age semble avoir disparu. Une étude précise des archives de la seigneurie, maintenant retrouvées, et entrées aux archives départementales de la Côte-d'Or, permettra de préciser la condition des habitants de Chevigny et de Corcelles sous l'ancien Régime.
L'importance de la population, connue avec précision depuis 1801, ne peut être qu'estimée approximativement auparavant, car alors, on dénombre le plus souvent par «feu» c'est-à-dire par chef de famille payant l'impôt. Nous avons de pareilles listes depuis le XIV° siècle. En 1376, Chevigny et Corcelles comptaient 25 familles de serfs, il y en avait 22 vers 1450 et 21 en 1470. Ce chiffre se maintient sensiblement jusqu'au XVII° siècle, mais en 1636, l'invasion des Impériaux de Gallas ravagea Chevigny, mais épargna Corcelles. Si bien qu'en 1645, il n'y avait dans le premier village que dix maisons couvertes en laiche, mal entretenues quoique récemment rebâties. Seuls deux laboureurs possèdent un attelage ; les autres habitants sont des manouvriers. Toutefois, ces dix maisons comptent 23 feux. A Corcelles, l'enquêteur trouve dix-neuf personnes imposées, dont quinze «se mêlent de labourage» (il n'y en aura plus que neuf en 1651) mais personne du lieu n'est propriétaire d'un terrain quelconque. Si l'on admet qu'un feu compte environ cinq personnes la population serait donc passée d'une centaine d'habitants au XV° siècle pour arriver à près de deux cents vers 1650. En 1801, elle était de 356 habitants ; la plus forte population du XIX° siècle est celle de 1851 : 425 habitants. Elle décroit ensuite : 392 en 1861, 378 en 1876, 301 en 1900, pour atteindre son minimum entre les deux guerres mondiales : 235 en 1921,234 en 1926 et 226 en 1931. La croissance est ensuite continue : 243 habitants en 1936... 1.416 en 1968…
Petit village de Chevigny... Le commerçant ambulant...
L'église de Chevigny est, de temps immémorial, dédiée au Saint-Sauveur. Elle a, nous l'avons vu, donné au village sa détermination parmi d'autres habitats qui ont conservé de l'époque gallo-romaine le nom de Chevigny.
Il n'est pas sans intérêt de rechercher, en dépassant le cadre strict de l'histoire locale, ses origines et l'incidence que ce lieu de culte a eu sur le village.
Ce vocable, qui est peut-être le plus ancien de tous se rattache à l'idée que le lieu de réunion des chrétiens est la «Maison du Seigneur». Dès le siècle, les textes insistent sur cette idée que ce lieu de réunion est dédié «au nom du Christ-Sauveur». L'une des plus anciennes églises connue sous ce vocable est la basilique romaine de Latran.
Après un temps assez long où le développement du culte des Saints fit dédier à ceux-ci les lieux de culte fondés aux V°, VI°, et VII° siècles, on voit reprendre au VIII° siècle ce vocable du Saint-Sauveur, surtout dans la région rhénane et en Allemagne moyenne. Cette habitude semble prendre toute son ampleur dans les débuts de l'époque carolingienne.
Ce vocable indique, sans erreur possible, une haute antiquité pour les églises qui le conservent.
A quelle époque faut-il l'attribuer dans le cas de Chevigny ? Il paraît certain, d'après le vocable même que ce fut avant 850. Mais ici intervient un indice très intéressant. La position de l'église, actuellement sur son emplacement primitif sans conteste, à l'intérieur de l'enceinte de l'exploitation primitive de Cavaniacus, milite en faveur d'une origine très éloignée et parfaitement déterminée.
Elle indique que ce lieu de culte était l'oratoire domestique du grand propriétaire l'analogue de ce qui sera au Moyen Age la chapelle d'un château. Cet oratoire, desservi par un prêtre faisant partie de la communauté au service du maître du lieu et souvent parmi ses serfs affranchis auparavant — devint le lieu où se célébrait le culte divin pour ceux qui résidaient sur le domaine qui devint un jour une «paroisse». Nous tenons là, de façon extrêmement précise, aux origines de l'un des processus de formation du réseau des paroisses rurales.
Il paraît sûr que le territoire de la paroisse de Chevigny était, pour l'ensemble, identique à celui de la commune actuelle. A l'Est, il était délimité par les marécages de la Norges, au-delà desquels on rencontrait les limites du diocèse de Chalon-sur-Saône (alors que Chevigny sera jusqu'en 1731 du diocèse de Langres, ensuite de celui de Dijon). De l'autre côté, il était limité du Nord, au Sud par la paroisse de Quetigny, dont dépendait Sennecey.
Sans doute, aux toutes premières origines, le Centre cultuel fut-il situé à Dijon, et à partir du VII° siècle à Saint-Pierre-de-Dompierre, situé approximativement sous le clos des Argentières. Mais au plus tard, au siècle suivant, la paroisse de Chevigny formait-elle une entité distincte correspondant exactement au domaine rural primitif.
Les édifices cultuels se sont succédés sur le même emplacement. Du plus ancien connu, il reste le portail, une partie du pignon ouest et la base du clocher. Tout cela paraît remonter à la fin du XI° siècle. Une abside semi-circulaire la terminait à l'Est ; elle fut remplacée à la fin du XII° siècle, par les chanoines de Saint-Etienne qui firent bâtir celle que l'on voit actuellement. Débordant du côté Nord la base du clocher, elle semble signifier l'intention que l'on eut alors de reconstruire une église plus large. Ce projet ne fut pas exécuté ; cependant, on édifia un nouveau clocher dans la première moitié du XIII° siècle.
Au début du XVI° siècle l'édifice était en très mauvais état. Déjà le mur sud de la nef avait été reconstruit en partie. On augmente alors la capacité de la nef en l'élargissant du côté nord, en utilisant une porte et une piscine du XIII° siècle. Il paraît certain aussi que l'on rebâtit le clocher, à partir des toits de la nef et de l'abside, en employant toutefois les éléments décoratifs de l'ancien clocher. Pour subvenir à toutes les dépenses de reconstruction, on obtint du Pape Léon X, en 1515, une concession d'indulgences pour quiconque contribuerait à la réparation de l'église.
Toute cette restauration semble avoir été provoquée par une clause testamentaire de Madeleine de Brinon, dame de Chevigny, en 1494. Elle ordonnait l'érection d'une chapelle de la Vierge. C'est la chapelle située a gauche du chœur et qui tient lieu aujourd'hui de sacristie. Ses voûtes du gothique flamboyant retombent sur des culots ornés de feuillages gras et d'écussons muets.
La chapelle qui s'ouvre en face est due a la munificence de Simon de Villers-la-Faye, qui, en 1642, la dédia a Sainte Geneviève. Elle demeure en plein XVII° siècle, de style gothique simple, mais avec une anomalie : sa voûte est en berceau.
Simon de Villers, seigneur de 1603 a 1650 environ, fit aussi don à l'église de plusieurs tableaux, dus, selon M. P. Carre, conservateur du Musée des Beaux-arts de Dijon, à l'atelier de Nicolas de Hoey, un peintre néerlandais, peintre en titre de la Ville de Dijon au début du XVII° siècle. Il reste un tableau de l'Adoration des Mages et deux volets d'un triptyque ou dyptique. Ces deux volets représentent la Vierge et Sainte Géneviève. Au revers sont peints les donateurs et leurs saints patrons : Simon de Villers et une fille sous la protection de l'apôtre Saint Simon, et sa femme, Elisabeth de Saint-Belin, avec une autre fille, plus âgée, et Sainte Elisabeth. L'ensemble parait antérieur a 1630.
Ces trois tableaux sont classés depuis 1914. Depuis 1966, fut aussi classé un autel et son retable en bois du XVIII siècle.
Quelques statuettes d'un certain intérêt des XVII° et XVIII° siècles demanderaient d'urgence une place ou elles puissent être scellées. Une croix de consécration ancienne rappelle que l'église fut consacrée un 3 août, mais on ne sait de quelle année ; de très belles boiseries du XVIII° siècle complètent un ameublement de qualité avec de la même époque le maître autel, réalisé dans du calcaire rose de Premeaux.
Un vitrail du côté nord montre dans un médaillon une Sainte Trinite que l'on prendrait pour une œuvre ancienne. Nous pensons qu'elle ne doit pas remonter plus haut que la fin du XIX° siecle, mais ce serait une honnête copie d'ancien.
Telle qu'elle se présente actuellement, l'église déconcerté l'archéologue et étonne le visiteur avec sa nef désaxée par rapport a l'entrée et au chœur. Mais a l'extérieur, les proportions harmonieuses, depuis qu'on l'a débarrassée de la malencontreuse verrue qu'était la sacristie placée au XIX° siècle dans le prolongement de l'abside, pourront, dans un cadre de verdure approprie, en faire l'un des plus attachants édifices de la région dijonnaise.
L'église de la Ste Trinité.
Le Clocher montre la reconstruction de la nef.
Tableaux de Simon de Villers-La-Faye et celui de son épouse.
L'Adoration des mages
Tableau de Nicolas de Hoey - classés et visibles à l'église.
LE CHATEAU.
La première mention d'une petite forteresse à Chevigny se rencontre en 1387, on y dit que «Monsieur l'Amiral de France», Jean de Vienne, y possède «un petit fort». Au XV° siècle, il y a un château entouré de fossés.
En fait, le petit château fort de Chevigny remonte au moins au XIII° siècle, sa principale défense était un fossé rempli d'une eau amenée de la Norges par un canal artificiel qui prend au-dessous de Limprey.
Les remparts n'étaient que de hautes buttes de terre surmontées d'une palissade et renforcées de grosses tours rondes aux quatre angles, et de quelques autres dispositifs militaires : ponts, barbacanes...
Les habitants de Chevigny et de Corcelles qui se réfugiaient là en temps de troubles, étaient tenus aux réparations du système fortifié, moyennant quoi ils pouvaient prendre gratuitement tous leur bois dans les forêts du seigneur.
L'intérieur de l'enceinte ainsi défendue était occupée par l'habitation seigneuriale au Sud, fortifiée elle-même par de grosses tours, au Nord par des bâtiments d'exploitation. Des seconds, il ne reste rien ; de l'habitation médiévale, il est possible que demeurent les deux pavillons aux extrémités du château actuel. La très grande épaisseur de leurs murs conduit à cette hypothèse. Toutefois, la corniche extérieure qui les couronne ne peut être antérieure à la fin du XVI° siècle.
Dans sa forme contemporaine, le château est l'œuvre de Pierre 1er Rigoley de Chevigny. Entre Ies deux tours préexistantes où furent percées des fenêtres dans le goût du jour, il fit bâtir un corps de logis d'un style assez simple. L'œuvre est de la fin du XVII° siècle, un pavillon en retour d'angle paraît être un peu plus récent.
Les «communs» aujourd'hui disparus, s'alignaient au nord entre deux tours des remparts. L'ensemble était ceinturé par les fossés que franchissaient deux ponts dormants : l'un donnait entrée à la basse-cour, à l'est ; l'autre était situé devant la porte principale du château, face à l'ouest. En 1707, Pierre Rigoley fit aménager une chapelle dans la partie centrale du logis du 1er étage, elle saillait en encorbellement à l'est, tandis que les appartements recevaient d'admirables boiseries, dont il ne reste que des vestiges.
Pierre Rigoley fit encore planter des allées d'arbres qui faisaient à ce château des avenues très agréables. Elles conduisaient au bois (l'actuel Bois du Roy) que l'on transforma en parc, en aménageant une étoile d'allées et une perspective sur Mirande.
De l'autre côté des jardins furent aménagés jusqu'à la Norges, et au sud en direction du village. Une glacière, luxe assez répandu dans les châteaux de la région fut surmontée d'un petit temple d'Amour, hélas en bois...
Avant 1820, «les communs» furent abattus et le fossé partiellement comblé. On avait ensuite édifié les bâtiments d'exploitation assez disparates qui furent remplacés au XIX° siècle par une ferme mieux ordonnée et plus écartée du château.
Quant aux services propres, actuellement à gauche de l'entrée de la propriété, ils ne remontent qu'au milieu du siècle dernier. Ils sont l'œuvre de la famille de Montillet de Grenaud qui posséda le domaine jusqu'en 1891. Depuis cette date quatre propriétaires dont un Anglais, Camel (de 1914 à 1928), puis un avocat à Tunis, M. Fabien Cirier et la Compagnie du Gaz de Dijon ont occupé les lieux jusqu'à ce que s'y installe en 1957 le Centre de Formation Professionnelle des Adultes.
Jean MARILIER.
Le château, vue Est.
Château vue Ouest et parterres.
Plan du château et les bâtiments d'exploitation.
Temple d'amour en 1975 - aujourd'hui disparu.
La chapelle - face Sud