L'Histoire de Chevigny-St-Sauveur - La monographie... -4 - et fin
Information importante : Ce document est la reprise en plusieurs articles de la monographie publiée en 1972 par la section Plein-Air et Culture de l’ASC. Les écrits de l’abbé Marilier, alors Conservateur des Monuments Historiques qui sont ici repris sont parfois devenus obsolètes en raison de l’avancée des recherches effectuées depuis.
CHEVIGNY-SAINT-SAUVEUR, il y a 25 ans. (vers 1947…)
A cette époque, notre village était pratiquement inconnu, perdu entre la N 71 et la N 5. Si un voyageur, quittant le train à Dijon-Ville, s'avisait de demander Chevigny, on l'envoyait sans hésitation, au moins neuf fois sur dix : «direction Longvic, route de Seurre, 10 km de Dijon» !
La place de l’église vers 1900
Pour celui qui choisissait de gagner Chevigny depuis Dijon par la route, il fallait déjà attendre parfois vingt minutes que la barrière du passage à niveau de la S.N.C.F. lui soit ouverte. Puis il traversait le Creux d'Enfer, dépassait la ferme Derroussy actuellement Faculté de Droit et arrivait à Mirande, hameau de Dijon inconnu de la carte Michelin. A l'extrémité du hameau, le regard découvrait la plaine avec Quetigny à gauche, Chevigny au centre, et quelques maisons de Sennecey à droite. Toute la ligne d'horizon était formée par les masses boisées. Dans le lointain, à droite, on apercevait le Mont-Roland.
Le petit bois de Mirande dont les épicéas furent détruits par le bostrisch en 1948, et qui se reconvertit seul en marronniers, érables, tilleuls et autres feuillus, dépassé, le voyageur arrivait à la source de la Mirande et au lavoir, puis quelques dizaines de mètres plus loin, il arrivait sur le territoire de Chevigny mais ignorait qu'il lui restait quatre kilomètres à franchir pour arriver au chef-lieu.
Après le tournant de la Pissoire, la Pommeraie, le petit bois appelé l'Aigle du Four, il franchissait la clairière des «Fusillés» et longeait «La Forêt» qui, à cette époque, ne s'appelait pas encore «Bois du Roy», et notre village apparaissait à peu près dans son ensemble.
A gauche, au bout de l'Allée de la Forêt, apparaissait la masse blanche du Château flanquée de la ferme, puis l'arrière de la petite ferme Vacelet qui se confondait avec la ferme Gueniffey. Et, toujours de gauche à droite, les arbres du parc de la maison Blin, propriété qui était à cette époque abandonnée depuis le passage des troupes d'occupation. Venait ensuite la ferme Darbois (actuellement les Coop), la maison F. Courtot (ancien presbytère aujourd'hui disparu) et la vieille église, charmante avec son beau clocher bourguignon surmonté de son coq percé de balles qui avait servi de cible aux soldats de tous poils qui s'étaient succédés pendant 5 ans. Puis venait la ferme Boiteux, la maison commune, la ferme Soubeyrand, la ferme Lignier, les quelques maisons de la «Prielle» et à l'extrême droite, les marronniers de Corcelles, la ferme Payen, les arbres et le toit du «Petit Château de Corcelles».
Chevigny 1959
En arrivant au village, il n'y avait pas de sens unique ; si l'on prenait la route de droite, on tombait sur l'auberge Marc, si l'on prenait la route de gauche l'on tombait sur l'auberge Vetter. C'étaient les seuls commerçants du village.
Entreprenons maintenant, si vous voulez, un rapide tour du village. A cette époque, derrière le Château, la ferme était exploitée par M. Guyon et son beau-frère M. Faivre. Grosse exploitation de 170 ha, dont 40 environ étaient en friches. Puis en longeant le mur du Château sur la route de Bressey, passé le pont du lavoir, il n'y avait que la maison de M. Fabien Gervois.
En revenant par l'impasse de Bressey (qui s'appelait rue de la Rigole), la première maison à droite était celle du «père» Favet qui louait une petite pièce à «La Marguerite de Paris» qui fut longtemps la doyenne, puisqu'elle vécut ici jusqu'à 99 ans et alla paisiblement mourir à Champmaillot. On la voyait une fois par semaine faire le tour du village et s'arrêter dire bonjour à Mmes Chotard et Probst, décédées, Michelin, Gerbaud et Jambard. Les unes et les autres déposaient discrètement dans son panier, qui 1/2 livre de café, qui un kilo de sucre ou un paquet de pâtes, quelques légumes et parfois, oh, bonheur, un paquet de tabac à priser !
L’école communale vers 1907
Cette pittoresque «Marguerite» avait toujours une anecdote à raconter. Si on lui demandait : «Que faisiez-vous à Paris, Marguerite ?», elle répondait : «Je travaillais dans la plume» en voulant dire «les chapeaux». Puis elle enchaînait aussitôt, en racontant les quelques fois où elle avait vu passer l'Empereur. Ou alors, ayant reçu d'une cliente une entrée à l'Opéra, elle se souvenait du ravissement où ce spectacle l'avait mis, et en chantait sans manière un extrait, d'une petite voix charmante...
Ensuite, son panier d'une main et sa canne de l'autre, elle rentrait chez elle retrouver son chat et ses souvenirs...
Sur la place de la Mairie, le Monument aux Morts était situé en bordure de l'avenue de la République, entouré d'une grille supportée par quatre obus ; le reste de la place avait une dénivellation d'environ un mètre et une porte desservait le jardin de la Cure.
Rue de l'Eglise, il n'y avait que la maison de la grand-mère Boiteux (maison Dorléan).
En montant vers Corcelles, à l'emplacement de l’actuel Monument aux Morts, existait la bascule publique avec une baraque genre guérite d'aiguilleur de la S.N.C.F. De l'autre côté de la rue, à l'emplacement des deux pavillons d'instituteurs, se trouvait le dépôt de betteraves. Plus loin, le lotissement du Chanot était le Clos du jardinier.
En face, deux petits jardins publics ont remplacé l'abreuvoir des vaches et des chevaux. La montée de Corcelles était bordée d'arbres qui furent supprimés pour élargir la route. La rue de la Goulotte (actuellement avenue de Tavaux) menait à quelques maisons du hameau de Corcelot. Après, -étaient situés les allotis de Corcelles terrains partagés par les habitants du hameau, alors que les habitants de Chevigny se partageaient les pâtis du «Petit Marais» c'est-à-dire les terrains bordés par la Route départementale de Bressey, la Goulotte, la Rivière Neuve, la Norges et englobant toute la zone d'habitation actuelle et le Grand Marais qui était délimité par la Norges, les bois de M. de Grivelle, les bois communaux depuis la Route départementale jusqu'au territoire de la commune de Magny (zone industrielle). 75% de la superficie du Grand Marais étaient embroussaillés. La rivière la Norges n'ayant pratiquement pas reçu de curage depuis la guerre de 1914, une ou deux fois par an, les crues noyaient la plaine depuis la Route départementale jusqu'à Magny et les cartes des services hydrauliques dénommaient ces terrains «zone d'expansion naturelle des crues».
La première maison édifiée à cette époque fut celle de M. Payen à Corcelles. Puis l'Abbé Pierre lançait son appel en faveur du logement et 17 pavillons se construisaient aux Castors. Le Ministère du Travail achetait le Château pour y créer un centre F.P.A. Les Facultés de Dijon avaient la côte du Creux d'Enfer, l'expansion de Dijon s'amorçait à l'est. Il y avait alors deux grands dangers :
1° que Chevigny ne devienne une commune «Dortoir» avec toutes les charges que cela comporte : écoles, urbanisation, services... et pratiquement pas de ressources ;
2° que les constructions ne s'édifient qu'au gré des circonstances, au petit bonheur la chance plutôt et étendent l'urbanisation sur une surface beaucoup trop importante, sans lien, sans esthétique, sans logique, ce qui aurait imposé des charges d'infrastructures beaucoup plus élevées.
La première de ces conditions impose l'implantation des zones industrielles. La deuxième, l'étude d'un plan directeur d'urbanisme...
Les Iris vers 1972
Jean FROUSSART