10 -Vincent-Languet de Rochefort
Pierre Rigoley n’avait qu’une fille, Odette, qu’il maria au Président du Parlement de Dijon, Jacques-Vincent Languet-Robelin, comte de Rochefort.
La famille Languet, originaire de Savoie, est fort ancienne en Bourgogne, elle se divise en nombreuses branches. Celle qui nous intéresse ici est de Gergy. Par le mariage de Denis LANGUET, procureur général, avec Marie ROBELIN en 1661 (les parents de notre Jacques-Vincent), cette branche est mise en possession de la baronnie de Saffres, près de Semur, puis de Rochefort sur Armançon, enfin de la terre de Saint-Cosme près de Chalon et du comté de Gergy.
Cette grande famille a donné de nombreux conseillers et religieux.
Ainsi Jacques-Vincent LANGUET-ROBELIN, comte de Rochefort la Croisette, baron de Saffres, conseiller du roi au Parlement de Bourgogne en 1725 puis président à Mortier (1) en 1729 épouse le 18 septembre 1731, Odette Rigoley, fille unique, héritière de Pierre Rigoley, seigneur de Chevigny-St-Sauveur, de Corcelles, La Chaume, Corgoloin et autres lieux, conseiller au Parlement et de son épouse Marie DURAND.
(1) : Président à mortier : autrefois bonnet de velours noir que portaient les présidents de parlement.
Le blason de cette famille est ainsi décrit : « d’azur à un triangle d’or, cléché et renversé, chargé de trois molettes d’éperon de sable posées une à chaque extrémité. »
L’acte de mariage du 18 septembre 1731 à l’église St Michel de Dijon montre la magnificence de la cérémonie puisqu’on y retrouve les membres importants de la famille tant du côté Languet-Robelin, que Rigoley, Berbis, Quarré de Livron etc… L’acte se conclue par une indulgence plénière (remise totale de la peine temporelle due aux péchés) accordée par Sa Sainté le pape Clément XII.
On retrouve ci-après les signatures de ces personnages :
Par ailleurs les mariés ont signé un contrat de mariage en 1733 avec la signature de 77 représentants de la noblesse parlementaire dijonnaise. Un ouvrage relate cet événement en titrant : Un mariage dans la grande robe en 1733. Ce document n’a pas encore été retrouvé.
Un autre document relatif à l’église St Michel de Dijon évoque une grande procession qui s’est déroulée le 20 juin 1745, en voici un extrait où apparaît Monsieur Languet de Rochefort :
« Le dimanche 20 juin 1745, la grande Messe de la paroisse a été célébrée à la chapelle Jacob à six heures ; la procession de la sainte Hostie est entrée à l'église sur les dix heures, Messieurs les fabriciens ès personnes de Monsieur Languet de Rochefort, président à mortier, Monsieur Demontot, conseiller au parlement, Mr Boulanger, trésorier de France, Mrs Julliet et Boisot avocats, Mr Rouget syndic des Etats, Mr Dumas marchand étant au bureau, le Marguillier en robe les a précédés, et se sont trouvés à la grande porte du portail pour recevoir la procession, Monsieur le Curé et Messieurs les prêtres Mépartistes assistés d'un grand nombre d'ecclésiastiques, tous en chape, un flambeau à la main, les enfants de choeur en tunique et en flambeaux et plus de trente six clercs tonsurés, dont douze étaient en aubes, tuniques et encensoirs, douze en chapes et flambeaux, douze avec des paniers de Fleurs, tout ce clergé est allé au-devant de la procession jusqu'à la première maison de la paroisse… »
Comme le précise un descendant de la famille de Montillet (héritiers dont on parlera plus loin) Jacques-Vincent Languet-Robelin de Rochefort hérita, par son père, une fortune considérable, venant notamment, de son oncle Jacques-Vincent LANGUET, comte de Gergy et ambassadeur de France à Venise en 1726.
Messire Jacques Vincent Languet-Robelin de Rochefort fit son testament le 5 juillet 1767. Voici le début du texte :
« Je soussigné, Jacques Vincent Languet de Rochefort, président à mortier au parlement de Dijon, après avoir invoqué le Saint nom de Dieu, l’avoir prié d’avoir soin de moy pendant ma vie, et de me faire miséricorde après ma mort, ai fait mon testament et disposition de dernière volonté ainsi qu’il en suit :
Je demande que mon enterrement se fasse simplement sans aucun service, que outre un annuel, il soit dit 100 messes pour le repos de mon âme par de pauvres prêtres séculiers.
Je donne et lègue à Odette Rigoley ma chère femme mes meubles, vaisselle d’argent et acquêts. Ensemble l’usufruit de tous mes biens
Je donne et lègue aux pauvres 12000 livres, ma femme en fera la répartition ainsi qu’elle en jugera à propos dans laquelle répartition la Fabrique de St Michel, les pauvres et fabriques de mes terres pourront être comprises.
Puis il donne et lègue des biens et sommes d’argent à de nombreux membres de sa famille
Après le décès de son mari en 1768 et celui, en bas âges de tous ses enfants, Odette Rigoley demeurée seule resta Dame de Chevigny jusqu’à la révolution. Elle n’émigra pas et garda ses propriétés de Chevigny.
On sait déjà que Courtépée écrivait d’elle que « sa mémoire sera toujours chère à ses compatriotes et à ses vassaux ; elle est dame en toute justice de Chevigny et y répand ses bienfaits. »
Pour Odette Rigoley aussi, voici un extrait de son testament du 2 août 1790 rédigé dans sa maison, rue du Vieux Collège à Dijon, une pièce intéressante qui montre bien sa bonté.
« Je soussigné Odette Rigoley, relicte (veuve) de M. Languet de Rochefort, président à mortier au parlement de Bourgogne, dame de Chevigny-St-Sauveur et Courcelles-en-Montvaux, après avoir recommandé mon âme à Dieu et l’avoir prié de me faire miséricorde, ai fait mon testament comme suit :
Je veux, si je meure à Dijon, être enterrée en l’Eglise des Minimes (église formée de la chapelle agrandie du vieux collège, démolie à la révolution) auprès de mon cher mari et de ma mère si cela se peut, au cas que je meure à Chevigny, je veux être enterrée dans le cimetière de Chevigny.
Je prie ceux qui auront soin de mon enterrement de le faire le plus simplement qu’il sera possible.
Je charge mon héritier, ci-après nommé de me faire faire un annuel dans l’endroit de ma sépulture et de faire dire pour le repos de mon âme 400 messes dans l’année de mon décès.
… s’en suit une liste de bénéficiaires…
Je nomme et institue mon héritier universel dans le surplus de tous mes biens, Monsieur Thomas de Montillet, officier dans le régiment de Bourbon, Dragon à sa charge de payer et acquitter toutes les charges de ma succession.
Mon héritier sera obligé de garder et nourrir mes domestiques en général et pendant 3 mois pour se donner le temps de se placer.
Je prie Monsieur Gabriel Davot, chanoine de la Ste Chapelle à Dijon d’être mon exécuteur testamentaire et de me donner cette marque d’amitié et d’accepter pour se souvenir de moi, un grand tableau qui est dans ma chambre qui représente une Sainte famille et un moins grand qui représente la Ste Vierge et l’enfant Jésus, Saint Jean et de plus un diamant de 6000 livres.
Cette dernière est décédée le 30 septembre 1792 à Dijon (An I de la République), laissant le château et la terre de CHEVIGNY au Baron Thomas de MONTILLET apparenté à la famille de Rigoley.
Les scellés ont été posés dans son appartement le dit jour et au château de Chevigny-St-Sauveur le 28 octobre 1792. Comme le dit le document d’archives, le citoyen Thomas de Montillet a comparu le 1er novembre 1792 an 1 de la République en qualité d’héritier universel de la défunte.
Nous étions en pleine époque révolutionnaire…
A titre d’illustration :
Tableau du Canaletto, la réception de l’ambassadeur de France au Palazzo ducal.