2 - La famille Bourgeoise

Publié le par Bernard

Au 1er chapitre nous avions découvert Guillaume de Chaudenay et son épouse Simonne de Grancey ainsi que Claudine de Chaudenay et son époux Guillaume de Vienne.

 Les recherches faites par le chanoine Jean Marilier restent ici aussi la base de travail et, notamment les informations fournies, par les documents d’archives les complètent bien. Celui-ci écrivait : « Mais en 1362, un haut fonctionnaire des finances ducales, Jehan Bourgeoise acheta les terres, le château et la justice du lieu. Son fils Poinsard Bourgeoise cependant ne les conserva qu’une dizaine d’années, car, par un processus assez courant alors, un héritier des Frôlois, les revendiqua et les obtint. On appelait cela le retrait lignager (Jean 1er de Vienne…) »

Le 7 mai 1362, Pincedé évoque la vente par Jean de Vienne, Seigneur de Rolans à Poinsard Bourgeoise de Dijon de ses villes de Chevigny-St-Sauveur et Corcelles-en-Montvaux en toute justice et pour prix de 1500 florins de bon or. Cette possession est confirmée par lettre de l’an 1366 par laquelle Poinsard Bourgeoise de Dijon déclare tenir en fief du Duc les villes de Chevigny-St-Sauveur et Courcelles-en Maulvaux immeubles, les forts, maisons dudit Chevigny et dépendances avec toute justice (1)

 Ainsi nous découvrons l’histoire d’une famille enrichie qui posséda la terre de Chevigny en 1362.

 Les Bourgeoises étaient au début du XIV° siècle, une des familles notables de Dijon. Jean Bourgeoise vivait à l’époque du Duc de Bourgogne Eudes IV.

Ainsi Jean Bourgeoise nous apparaît-il comme un des plus fortunés parmi les Bourgeois de Dijon ; nous ignorons ce qu’était sa fortune mobilière et si, comme ses pairs, il avançait des sommes considérables à des nobles besogneux, mais la chose est des plus probable. Ayant reçu une certaine culture juridique, il était reçu au conseil des Seigneurs du duché, il s’était taillé dans sa ville une situation des plus favorables. Sa fortune immobilière était considérable, il s’était préoccupé d’investir ses gains en terres, en maisons et en vignes. Pour écouler plus commodément son vin, il jouissait d’un enviable privilège « Les petits bans… » De plus il était affranchi de tout impôt pour tous ses biens dans la ville. Ce n’était pas l’exercice du métier de changeur – par lequel il avait commencé à s’enrichir – qui lui avait permis d’accumuler de telles richesses, mais c’est le service des ducs. Du fait que ses ancêtres lui avaient laissé une certaine fortune, Jean Bourgeoise était devenu, à une date que nous ignorons, mais au plus tard en 1324, receveur du Duc. En cette qualité il centralisait les recettes en deniers de tout le domaine ducal, et mandatait les paiements sur la caisse des châtelains locaux. En outre, il pouvait servir de banquier au Duc.

 Tout ceci lui valait de percevoir des gages qui étaient parmi les plus élevés de ceux que recevaient les plus hauts officiers du duché puisqu’il montait à 200 livres par an, autant que pour le maréchal ou le sénéchal du duc. Mais aussi le fait de concentrer entre ses mains des masses monétaires importantes le mettait certainement en mesure de réaliser à ses profits personnels de fructueuses opérations, prêts à court terme entre autres, en confondant les deniers de son maître avec les siens propres

Jean Bourgeoise avait été élu échevin (Maire) de Dijon le 24 juin 1342. Avant le mois d’octobre de la même année il avait été jeté en prison pour « plusieurs faiz, maléfices, erreurs de comptes, dommages de monoies et autres déliz tant civilz comme criminelz ».

 Quels que fussent les procédés employés par lui pour arrondir sa fortune, Jean Bourgeoise avait fini par exciter le courroux d’Eudes IV, mais il su assez vite se tirer de ce mauvais pas.

En 1342, Jean Bourgeoise cédait au duc certains de ses biens immobiliers dont la maison du Miroir – celle-ci fut d’ailleurs aussitôt donnée par Eudes IV à Jean Aubriot, son chancelier, en récompense de ses services.

Miroir 001

La maison du miroir à l'époque

Jean mourut peu avant le mois de juin 1350.

 Son second fils Poinsard se révéla aussitôt l’un des principaux parmi les bourgeois de Dijon, ce qui nous confirme que la transaction de 1342 - vente notamment de la maison du Miroir – n’avait pas entamé de façon considérable les ressources financières de son père : il se servit cependant de ce prétexte pour obtenir de la reine Jeanne, régente du Duché, puis du Roi Jean-le-Bon, la restitution des petits bans et cela dès octobre 1351.

 Comme son père, il est mêlé à l'administration des finances ducales: c'est lui qui est chargé de la levée du «subside des moutons», c'est-à-dire de l'aide pour le paiement de la rançon de 200.000 moutons d'or promise par Philippe de Rouvres au roi d'Angleterre lors du traité de Guillon. On sait aussi que Philippe de Rouvres qui vint à Dijon en 1350 fut fait prisonnier à la bataille de Poitiers, le 19 septembre 1356. Les Anglais maître de la campagne firent de nombreux ravages dans les villes. Pour obtenir le retrait des troupes ils offrirent 200 000 moutons d’or dont on paya une partie comptant et on donna des otages pour la sécurité du reste. Parmi ces otages on relève le nom de Poinsard Bourgeoise…(2)

 Poinsard atteint alors son objectif au moment le plus brillant de la fortune des Bourgeoise: en janvier 1362 il se fait autoriser par le roi à doter la: chapelle que son père désirait fonder en l'église Notre-Dame de Dijon, mais pour laquelle Eudes IV n'avait jamais accordé l'amortissement promis. En 1362, il est maire de Dijon; il a déjà attaché son nom à la construction d'une des tours de l'enceinte de la ville, la tour Poinsard Bourgeoise, bâtie vers 1359. Son hôtel dijonnais subit de profondes modifications et devient une de ces demeures bourgeoises dont l'hôtel Chambellan reste, à Dijon, le principal exemple: l'ensemble des bâtiments acquis par Jean Bourgeoise au coin de la rue des Changes et de la rue de la Porte-au-Lion s'ordonne autour d'une cour intérieure où s'élève, en 1363, une «tour neuve »,  avec une grande salle pavée de carreaux émaillés, donnant accès à des galeries de bois.

 En cette même année 1363, le roi concède un anoblissement au fils de l'ancien receveur de Bourgogne et à sa femme Isabelle. Il ne reste plus à Poinsard qu'à acquérir une seigneurie suburbaine: c'est chose faite en 1363, lorsque le futur amiral de France, Jean de Vienne, lui aura vendu la seigneurie de Cheyigny-Saint-Sauveur et Courcelles-en-Montvaux. Il peut dès lors traiter d'égal à égal avec les vieux lignages de chevaliers-bourgeois dijonnais, les Bigot, seigneurs de Broindon, les Pèlerin de Saint-Julien, ou encore les Griffon, ces drapiers devenus dès avant 1340 détenteurs de la Motte de Montmusard et coseigneurs de la Rochette, près de Liernais. Cette fortune n'est d'ailleurs pas parfaitement assise. La maison-forte de Chevigny reviendra à Jean de Vienne ; le règlement des comptes des aides mettra en 1369 Poinsard dans l'obligation de vendre ses terres de Neuilly-lès-Dijon pour s'acquitter d'une dette de mille florins ; et il se résignera à amputer son hôtel de quelques portions de bâtiments qui seront englobées dans celui des Berbisey.

Néanmoins la fortune de Poinsard suffit à attester que le règlement de l'affaire Jean Bourgeoise n'avait pas entamé la richesse de ce dernier de façon trop sensible. La disgrâce du receveur de Bourgogne n'avait pas entraîné sa ruine.

 Notons enfin que parmi d’autres Poinceart Bourgeoise est cité en 1376 et déjà en 1359 comme élu par les marchands et bourgeois de Dijon pour établir l’impôt sur les propriétés.

 Sources principales :

 1 – Volumes de Pincedé VII et XXVII – Archives Départementales de la Côte d’or

 2 – Courtépée – tome 1

 

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