11 - La famille de Montillet

Publié le par Bernard

« Je nomme et institue mon héritier universel dans le surplus de tous mes biens, Monsieur Thomas de Montillet, officier dans le régiment de Bourbon, Dragon, à sa charge de payer et acquitter toutes les charges de ma succession. »

 Ainsi, le Testament d’Odette RIGOLEY, veuve de Messire Jacques Vincent LANGUET-ROBELIN de Rochefort, président à Mortier au Parlement de Bourgogne, instituait héritier Thomas de Montillet son neveu.

Thomas, Claude, François, Augustin de MONTILLET, dit Monsieur de Champdor, naquit à Avrissieu, à côté de Ceyzerieu en Bugey, le 8 août 1737. Capitaine au régiment de Cavalerie de Bourbon, il épousa, le 11 février 1793, Anne Françoise Pierrette de SUREMAIN.

Comme nous le savons, il recueilli le 1er novembre 1792, la succession de sa tante Odette. Il hérita donc du château et des terres de Chevigny-Saint-Sauveur ainsi que du château et des terres de Rochefort.

Thomas hérita aussi de son oncle Messire Jean QUARRE, conseillé au Parlement de Bourgogne, du château et des terres de Dracy ainsi que du château et des terres de Chavannay (village près de Vitteaux qui dépendait autrefois de la seigneurie de Saffres).

 Enfin de Messire Jacques Vincent Languet, comte de Gergy, qui sous Louis XIV fut ambassadeur extraordinaire auprès du Doge et la République de Venise en 1726, son oncle maternel, il hérita du château et terre de Rochefort en Bugey, du mobilier, de la vaisselle d’argent, et les deux tableaux 1,80 x 1,00 du fameux peintre Antoine Canal dit Canaletto, peintre Vénitien en 1719, qui représentaient :

Le premier, une vue du grand canal de Venise, avec le pont du Rialto, réception de l’Ambassadeur de France Languet de Gergy arrivant en grand cortège de gondole, de fête et assistance.

Le deuxième tableau du même peintre, représentant la Place St Marc et son église et l’embarquement devant le Palais des Doges, du départ pour la France de l’Ambassadeur Longuet de Gergy avec une très nombreuse assistance.

 Cette particularité et notamment attestée dans le « petit guide du voyageur et de l’amateur à Dijon » édité en 1829 et qui précise ceci : « Parmi un certain nombre d’objets précieux qui composent le Cabinet de M. de Montillet, on remarque spécialement deux très grands et très beaux CANALETTI, présent donné jadis par la République de Venise, à un de ses ancêtres, chargé dans ce pays, d’une mission diplomatique. »

 de Montillet[1]

 Le Blason de la famille de Montillet : d’azur à un chevron d’argent surmonté d’un croissant de même

 La fortune de Thomas de Montillet était donc considérable. Dans les délibérations de la commune de Chevigny celui-ci se présente comme Maire le 1er mai 1813 suite à un arrêté préfectoral portant exécution d’un décret impérial. Les documents du château de Chevigny ne parlent pas de Thomas qui meurt à Dijon le 27 septembre 1831, laissant pour seul héritier son fils Anthelme, Lazare, Théodore, Baron de Montillet.

 Ce baron Théodore naît à Dijon le 23 mars 1798 (3 Germinal An VI de la République) Il épouse en première noces, en 1824, Alix PELLETIER de CLERY qui malheureusement décède à l’âge de 26 ans à Chevigny-St-Sauveur en 1832.

 C’est alors qu’il épouse en secondes noces, en 1834, sa cousine Antoinette, Charlotte Euphémie de MONTILLET de GRENAUD. De ces deux mariages, il n’y aura aucun enfant.

 Le Baron Théodore de Montillet dit du 3 de la rue Buffon, de Chevigny et de Champdor est une des figures marquantes de l’histoire des Montillet (1801-1881).

 Au temps de Théodore de Montillet, fort homme (voir photographie), genre débonnaire, ayant une barbe de toute la taille de son gilet fumant la pipe sans arrêt au grand déplaisir d’Euphémie, portant plusieurs montres en or, à répétition pour en contrôler perpétuellement la comparaison de marche. IL habitait alternativement : Dijon, Chevigny, Champdor (en Bugey), Paris, voyageant beaucoup en Suisse, en Italie et dans ses équipages particuliers, attelés de gros Boulonnais gris, harnais à la Bricole, genre Postillons. En voiture, il n’admettait pas d’être dépassé. Il avait un certain talent d’architecte, bien particulier et un peu simpliste ! Il aimait le massif, l’entassement des pierres énormes, caractère original. Il était perpétuellement en mouvement, ce qui agaçait profondément Euphémie. Il y avait généralement, aux périodes de vacances, réunion de famille au château de Chevigny.

 Anthelme-Théodore

Le Baron Anthelme - Théodore

 

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La Baronne Euphémie

Euphémie de Montillet aimait être entourée d’une véritable cour d’admirateurs pliés à ses pires caprices. Il ne faisait pas bon de la contredire…Elle aimait beaucoup paraître et était très intelligente avec des yeux très vivaces d’expression. Elle avait fait acheter par son mari Théodore, un très bel hôtel au 3, rue Buffon à Dijon.

 Tout au long de leur vie ils auront aménagé le château et accordé leurs bienfaits à la paroisse de Chevigny. Outre l’horloge posée en 1828, le Baron fit entourer tout le parc du château de murs en moissons taillés avec des dalles dessus.

En 1857, on projeta pour obtenir quelques places à l’église de rendre au culte la chapelle Nord bâtie en 1494 et qui sert de sacristie depuis 1636 lors du passage des troupes de Gallas qui brûlèrent toutes les maisons de CHEVIGNY (en 1645, il y avait 10 maisons de rebâties) et en construisant au levant de la chapelle de M. le Baron de MONTILLET, une sacristie, en supprimant l’escalier du clocher.

 La chapelle rendue au culte après avoir servi de sacristie pendant 229 ans (de 1636 à 1865) ne pouvait redevenir chapelle de la Sainte Vierge parce qu’il y a un bel autel de la Vierge dans la nef de l’église (place toujours occupée de nos jours) et qu’on en avait besoin pour y placer les petites filles et les soeurs institutrices et leurs nombreux élèves.

 En 1865, cette sacristie fut construire et on installa pour orner la chapelle deux statues en bois, une de la Sainte Vierge, l’autre de St Joseph, faites à Dijon par J. Sekanky successeur de Buffet.

 


Eglise et sacristie

L’église avec la sacristie à l’Est, détruite en 1963.

Dans les documents paroissiaux, on relève que le baron de Montillet a été nommé et installé au conseil de fabrique (organisme qui gérait la paroisse) puis désigné Président le 9 juillet 1861.

 Après l’incendie (volontaire) des dépendances du château le 7 août 1862, Monsieur le Baron fit construire les vastes dépendances et une magnifique serre.

 

Montillet-Ecuries

 Les dépendances construites en 1862

En 1862, Monsieur le Baron et Madame la Baronne de MONTILLET fondèrent pour l’éducation des petites filles de la paroisse l’école des soeurs qui fut confiée d’abord aux religieuses de la Providence de Vitteaux et en 1871 aux religieuses de St Joseph de Bourg.

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La chapelle de l’école des filles

 Le Baron participa aussi à la restauration des fonts baptismaux, en voici l’histoire :

 « Le 20 septembre 1861, ayant donc décloué la caisse qui renfermait les fonts baptismaux, notre surprise a été grande de trouver un vase mutilé soutenu et mal assuré, calé par une pierre et des morceaux de bois informes sur une base carrée mal taillée, tenant au vol.

 Autour de ce vase octogone, on trouve une inscription : « 1633 à ESTE PARVEE L’EGLISE ». Il y a donc 228 ans que le pavé de l’église a été fait, sous HENRI IV, le Pontificat de Grégoire XV, sous l’épiscopat du 94ème évêque de Langres (l’évêque de Dijon n’a été installé qu’en 1737). Ce pavé était en bien mauvais état lorsqu’en 1861, le Baron de MONTILLET le fit réparer et cimenter ainsi que le pavé des fonds baptismaux.

 Il est probable qu’à la révolution de 1793, ces fonts baptismaux précieux à cause de leur antiquité et de la circonstance du baptême du fils de Jean de VIENNE ont été brisés par les iconoclastes de cette époque et qu’au rétablissement du culte en France (1802) on a établi ainsi qu’il est dit plus haut cette espèce de fonds baptismaux.

 Aussitôt après cette découverte, avec l’aide de Monsieur ROSSIGNOL, archiviste de Dijon, on a été d’avis de refaire la colonne mutilée avec sa base octogonale, comme la coquille échappée des mains des briseurs.

 Le tout a été placé sur une dalle octogone elle aussi. De plus, on a laissé à découvert la piscine qui se trouve dans le mur. Elle porte la date de 1376.

 

Les fonts baptismaux restaurés

Avec le baron Théodore de Montillet et son épouse on rencontre parmi les bienfaiteurs de la paroisse Monsieur Victor MALTESTE juge au tribunal de Première Instance de Dijon, lequel résidait à Chevigny (Maison Blin).

 En 1865, M. Victor Malteste fit poser par Botzi, le vitrail de la Sainte Trinité qui se trouve près de l’autel de la Vierge et avec son épouse ils offirent une belle chasuble

  Montillet-Vitrail

Vitrail de la sainte Trinité

Montillet-chasuble-1

 Chasuble blanche galon d’or fin et sujets brodés sur la croix

Le baron Théodore de Montillet décédera en 1881 laissant ses biens à sa femme Euphémie qui le suivra dans la tombe dix ans plus tard en 1891.

 Ils reposaient tous deux au cimetière entourant l’église de Chevigny-St-Sauveur. Cette tombe et leurs cendres furent transférées au cimetière de Corcelles.

  Le Successeur : Comte Raymond de Montillet

Théodore et Euphémie restés sans héritiers, la terre de Chevigny passa en 1891 à Monsieur le Comte François de Paule Honoré Raymond Comte de Montillet de Grenaud; neveu du baron Théodore.

 Celui-ci devint zouave pontifical… joli costume…cause excellente… très bien physiquement… cela facilita un riche mariage en avignonnais avec Blanche Moreau de Belay en avril 1869 laquelle venait d’une bonne famille ayant fait une grosse fortune dans les teintureries qui fabriquaient notamment les uniformes militaires.

 Au château de Chevigny, ce fut sous lui que fût construit le beau pavillon qui se trouve du côté de Bressey, que fut aménagée la salle à manger et que fut fermée en 1892 l’école des soeurs que M. le Baron Théodore de MONTILLET avait fondé en 1862.

 Son épouse, Blanche Marie Moreau Leblanc de Bellay, comtesse de Montillet décédait en Avignon en 1898.

 Le comte Raymond de Montillet héritier d’une fortune inépuisable aimait la vie en société et vivait souvent à Paris où il avait un pied à terre Boulevard de la Madeleine.

 On organisait des chasses à Chevigny. Le nom de Raymond de Montillet, de sa meute, de ses piqueurs eurent les honneurs du « Gaulois du dimanche illustré » des 5/6 novembre 1904.

Ce journal consulté aux archives de la ville de Paris est entièrement consacré à la Saint Hubert.

 « La Saint Hubert et  ses disciples »

 L’article se divise en 5 chapitres

             1-La Saint Hubert fête des grands veneurs.

             2-La vénerie contemporaine

 « la vénerie doit être considérée comme le caractère suprême de la vie élégante ; elle tient le haut bout dans la hiérarchie des sports... »

              3- Grandes chasses et grands fusils

 « Il est incontestable que nous avons une grande passion pour la chasse et qu’il n’existe pas un seul pays en Europe où ce goût ait pénétré aussi avant toutes les classes de la société... »

 S’en suit la liste des grandes chasses et grands fusils :

 « -St Firmin qui fait partie du domaine de Chantilly loué à Monseigneur le Duc de Chartres...A Chevigny-St-Sauveur, nous trouvons le comte Raymond de Montillet, un grand et brillant fusil, comprenant parfaitement la chasse et tirant le perdreau et le lapin admirablement.... »

 4-La femme de chasse.

 5-L’équipage de fauconnerie de Vaudoncourt.

                                                                       signé Baron de Vaux.

  Montillet-Raymond

   La photo du Comte Raymond de Montillet, publiée dans le journal

Un an plus tard l’ECHO DE PARIS de 1905 éditait cet article :

 "Le château de Chevigny-Saint-Sauveur

 De l’illustré Parisien :

C’est au coeur de la Bourgogne, à quelques kilomètres de Dijon, dans un site pittoresque et sur une éminence d’où la vue embrasse une jolie vallée, que se dresse fièrement le château de Chevigny-Saint-Sauveur, dont le premier de ses propriétaires fut l’illustre Languet de Rochefort, ambassadeur de France à Venise, sous Louis XIV, et dont les services rendus à la France et la République Vénitienne sont immortalisés par deux superbes Caneletti, offerts par la République de Venise, représentant l’arrivée et le départ, sur le Bucentaure, du comte de Rochefort au Palais des Doges.

Construit dans le style Louis XIII, Chevigny-St-Sauveur présente une façade d’une ordonnance sévère : c’est la marque de son origine. Il a été légèrement modifié par le Baron de Montillet qui, à la tête d’une fortune considérable, passa une partie de son existence à l’améliorer et à y élever constructions sur constructions, entre autres de monumentales écuries qui ont un cachet tout particulier, avec leurs voûtes surélevées sous lesquelles circulent librement l’air et la lumière. Une tour à l’antique, qui a été conservée, commande pour ainsi dire l’entrée de ce domaine, dont le parc qui a plus de trente hectares, est traversé par la rivière « la Norges », des murs, de trois mètres de haut, sans créneaux il est vrai, mais d’une épaisseur qui leur permettrait de résister à un coup de main.

Le vaste domaine qui l’entoure, et qui est de 1400 hectares, appartient de temps immémorial à la famille de Montillet. Le propriétaire actuel est le comte Raymond de Montillet de Grenaud, auquel ce domaine est échu en héritage à la mort de sa tante, la baronne de Montillet la descendante directe du célèbre diplomate Languet de Rochefort.

La chasse de Chevigny est fort belle ; elle se fait sur une étendue de 1400 hectares  d’un seul tenant, moitié en terres labourables de premier ordre, moitié de haute futaie, divisée en cinq fermes dans lesquelles de véritables dynasties d’agriculteurs se succèdent de père en fils. Le garde-Chef, Louis Pralon est un homme jeune, actif, vigoureux, qui compte déjà douze ans de service au château. Sa garderie ne laisse absolument rien à désirer, car elle est faite avec zèle et intelligence. »

Note : Cet article présenté, tel quel, maintient la confusion (sans doute voulue) car ce n’est pas l’ambassadeur Languet qui possédait le château mais son neveu Languet-Robelin époux d’Odette Rigoley…

 Montillet-château ouest

 Le château autrefois, façade ouest

Emporté dans le tourbillon, de la vie parisienne, le Comte Raymond de Montillet est obligé de vendre le château et la terre de Chevigny.

 Voici quelques lignes extraites de la vente de tout le domaine le 15 novembre 1908.

Cette vente donnait, notamment aux habitants de Chevigny l’accès à la propriété foncière et à la terre que leurs ancêtres avaient façonnée.

 L’acte notarial de Maître Blondel notaire à Dijon décrit la nature des propriétés mises à la vente :

 Un château sis au village de Chevigny avec un jardin potager et d’agrément, pré, parc, aisances et dépendances de cinq hectares.

Divers domaines situés sur les territoires de Chevigny, Corcelles, Quétigny, Couternon etc... bâtiments d’habitation et d’exploitation, terre, pré oseraie, marais, friches d’une contenance totale de 592 hectares 91 ares 12 centiares.

Un bois situé sur le territoire de Chevigny en plusieurs parties d’une contenance de 150 hectares, 40 ares.

Soit un total de 748 hectares 31 ares 12 centiares

Ainsi prenait fin la vie Seigneuriale à Chevigny-St-Sauveur et Corcelles-en-Montvaux.

 Certaines informations relatives à la famille de Montillet, en particulier l’existence des articles de presse, ont été communiquées par M. Philippe de Montillet, descendant de cette famille, venu à Chevigny retrouver le passé de sa famille, qu’il en soit remercié.

 

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B
j'habite cerdon 01450 où est enterré albert manuel henri de montillet de grenaud savez vous s'il y a des descendants la tombe semble abandonnée<br /> paul besson 0626190396
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P
Je suis descendant d'Edouard de Montillet en ligne directe. Dans les années 1970, j'avais effectué quelques travaux d'entretien à cette sépulture, et bientôt je vais m'en occuper de nouveau.
B
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre message et intérêt pour la famille de Montillet.<br /> J’ai eu des contacts avec Monsieur Philippe de Montillet, un lointain descendant de cette famille qui maintenant est âgé et doit résider dans le midi de la France. A Chevigny aussi la tombe d’un ancêtre s’étiole et va disparaître dans les années à venir.<br /> Je n’ai donc pas la possibilité de donner plus d’informations<br /> Avec mes salutations<br /> Bernard Ravier.<br />
B
j'habite cerdon 01450 où est enterré albert manuel henri de montillet de grenaud savez vous s'il y a des descendants la tombe semble abandonnée<br /> paul besson 0626190396
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E
Bonjour,<br /> Merci pour votre message. J'essayerai de passer à Cerdon en descendant à Lyon d'ici l'été. Albert Manuel Henri de Montillet, décédé en 1867 n'a eu que 2 filles qui ont été mariées, dont l'une sans descendance. Du coup avec le temps nous (les Montillet issus du frère ou des frères de son père!) ne sommes pas préocupés de la tombe de ce grand oncle ! Bien Cordialement. Emmanuel de Montillet