Chevigny-St-Sauveur, l'après guerre...

Publié le par Bernard

La place du village vers 1918

La place du village vers 1918

Les terribles années de la dernière grande guerre s’estompent ; la vieille église s’étiole et veille sur quelque 250 âmes ; le village retrouve son calme rural.

Les travaux des champs battent le rythme des saisons. Au nord s’étale la ferme du château tenue par les familles Guyon puis Fèvre, elle reste un peu fermée, protégée par les aboiements des “chiens-bergers” protecteurs. En avançant, après le château aux volets clos, on peut croiser les chevaux de la ferme Gueniffey qui partent à la charrue. Les bâtiments se dressent au droit de la belle propriété bourgeoise de la famille Bréjot.

Le café Vetter accueille ses habitués au milieu des poules et des canards. A proximité le Père Bertrand active le soufflet de sa forge pour réparer une pièce de chariot.

Le monument aux morts des deux guerres domine sur la place de l’église. Les quatre fûts de canon flanqués à chaque angle impressionnent les garçons qui tournent autour en criant.

 

L'église de la Ste Trinité vers 1900

L'église de la Ste Trinité vers 1900

La place est bordée d’un côté par l’ancienne cure (l’Abbé Picard curé de la paroisse loge à Quetigny). Cette maison est utilisée par François Courtot et sa famille. Comme son frère il impressionne avec ses lourds camions qui transportent les poteaux électriques

De l’autre côté, la petite église entourée du cimetière. Avec son crépi fatigué, son toit moussu, son vieux porche fermé, elle a pauvre allure. Les enfants viennent chaque jeudi au catéchisme dans la petite chapelle à gauche du choeur. La grosse cloche, orpheline, appelle les fidèles chaque dimanche à 9h00. Les communions, comme on dit, sont célébrées à Quetigny. Pour les familles, elles donnent lieu à de grandes festivités ; toute la famille se réunit autour d’un gigantesque repas où trône la pièce montée, où coule le bon vin de Bourgogne et souvent le Mousseux...

A quelques mètres de là, la Mairie-Ecole construite sur des plans départementaux. Sa silhouette se retrouve dans toutes les communes alentours. Monsieur le Maire d'alors Adolphe Bertrand, le forgeron, y réuni son conseil et c’est le Père Bouton qui bat le tambour pour annoncer les nouvelles : le rendez-vous du 14 juillet, le tirage des affouages, la venue du percepteur. Comme au cinéma les enfants s'agglutinent dès les premiers battements.

L’école est à classe unique. Depuis 1931, Hélène Jambard éduque les enfants de la commune qu’elle accueille dans sa grande classe ; le plus petit à 4 ans et le plus grand 14, l’année du certificat. Cette méthode a l’avantage de bien brasser les générations et les familles ; l’unité du village en dépend. A la récréation les plus petits, pour se rassurer, se blottissent dans les jupes des grandes filles.

La classe est bien rangée, les tables doubles aux bancs attachés s’alignent sur trois rangées. Un poêle à bois, au centre, diffuse chaque hiver une bonne chaleur. Devant, le bureau de la maîtresse et l’incontournable tableau noir avec la date du jour calligraphiée. Les éternelles affiches de la SNCF qui diffusent leurs rêves égaient les hauts murs et sur l’armoire du fond on voit le globe terrestre qui rayonne d’une fascinante clarté.

Madame Jambard sera institutrice pendant 26 ans. Avec elle des générations d’enfants apprendront à lire et compter comme l’Ecole Normale avait su lui enseigner. Le matin et l’après-midi la classe commence par une belle chanson ; c’est dire le répertoire appris, c’est dire l’entrain des élèves pour commencer la dictée... Evidemment, l’Institutrice assure le secrétariat de Mairie et règne ainsi sur la vie locale. Et, pour couronner le tout, elle est aussi l’infirmière du village et sur sa bicyclette elle va de maison en maison la seringue prête à fonctionner.

L'ancienne ECOLE-MAIRIE1844

L'ancienne ECOLE-MAIRIE1844

L’auberge Marc se distingue avec son marronnier charnu et son Saint Eloi niché dans le mur. Les enfants connaissent aussi le café-tabac, car à côté des cigarettes on y trouve ces fameux caramels à un franc (un centime) qui font la joie des récréations. La grande salle sur le côté sert régulièrement de salle de cinéma. On y installe un grand écran souple, les bancs et les chaises s’alignent en face et le “magicien” du cinéma diffuse alors les images. C’est encore une bonne façon de rencontrer les villageois. De constructions en constructions, le café devient restaurant puis se transforme en café-hôtel-restaurant. Plus tard, il sera flanqué d’un tabac-journaux.

Passons un peu vite le long de la longue maisonnette des époux Probst. Le mari est un habile ébéniste qui intervient chez les uns et les autres pour réparer : à qui un barreau de chaise, à qui les pieds d’un buffet. Il réalise aussi de belles pièces de menuiserie-ébénisterie.

En face, la mini-ferme Soubeyrand fait vivre ses deux familles. De belles vaches laitières fournissent le lait au voisinage.

L’immense propriété Michelin s’étend à droite avec la petite maison de « la Marguerite de Paris », tandis qu’à gauche on peut découvrir la belle résidence de la famille Gerbaud. Entrepreneur de travaux, Jean Gerbaud a construit une belle propriété et son épouse Alice rayonne, par sa bonté, sur toute la commune. Bernard et Claude, leurs enfants grandiront avec tous les garnements du village.

Cinquante mètres plus loin la maison Courtot. Une belle construction avec un étage qui s’est étiolée au fil des ans. Paul Courtot et ses fils, Georges et Robert, sont entrepreneurs de travaux ; ils possèdent des camions qu’ils “réparent” à longueur d’année dans leur atelier à demi construit. Les gamins sont fascinés par les vieux GMC qui stationnent un peu partout.

La maison Ravier côtoie celle de la famille Courtot. Sa façade donne sur une petite place où deux vieux poiriers diffusent une ombre bien agréable. Ils jouxtent le pont bascule avec sa minuscule cabane qui abrite le bras de pesage. Une grande activité s’y déploie durant la campagne de betteraves. Louis Raviot, le maréchal-ferrant qui travaille tout près est responsable du fonctionnement de ce bel engin que les enfants, contemplent ébahis.

La ferme Lignier, toute voisine, est notre référence rurale. Sa cour fermée est toujours active : la traite des vaches, le défilé des chevaux à l’abreuvoir, les battoirs de l’été ou le départ des charrues de l’automne, les gros rouleaux qui cassent les oreilles sur le goudron de la route, la volaille qui piaille, les cochons qui grognent dans leur cabane aux volets entrouverts...Et ce grand hangar qui se couvre régulièrement des grandes affiches des cirques venant à Dijon.

La ferme LIGNIER qui à l'époque de la photo était celle de la famille COURTOT

La ferme LIGNIER qui à l'époque de la photo était celle de la famille COURTOT

Cette sympathique ballade dans la Grande Rue se termine à l’atelier du Maréchal Ferrant, Louis Raviot. Les chevaux se succèdent pour le ferrage. Le geste du spécialiste, élève de l’école de Maréchalerie de Saumur, est précis, rapide et net. Quel plaisir pour le petit-fils de tirer le soufflet pour rougir les fers que les mains habiles adaptent à chaque sabot. Les clous sont enfoncés avec précision et sans fausse note... Eugène, le fils travaille aussi à l’atelier, à la forge comme on dit. Mais le tracteur va supplanter le cheval et le forgeron devient taillandier et découpe alors de belles pioches qu’on vient acheter de tout le département. Plus tard c’est la serrurerie qui supplantera le reste.

Prés et jardins séparent chaque maison et petit à petit, ces lots magnifiques, laisseront place aux constructions, les maisons d’abord puis après les immeubles.

En glissant vers le sud il reste à découvrir la petite maison de la Suzanne tout près du pont où s’écoulent les eaux venues des champs lointains. C’est la cuisinière du village, habile à la confection des pâtés chauds, brioches dorées qu'elle fait cuir dans le vieux four à pain qui se cache dans les communs.

A quelques pas de là on découvre la maison du Charron, Auguste Bertrand, un professionnel du bois ; des poutres sortent de son atelier où il travaille aussi les belles roues de charrettes ou celles des gros tombereaux que l’on remplit de pommes de terre ou de betteraves. Quelquefois aussi et c’est bien impressionnant pour les yeux des enfants, il fait le cercueil pour le villageois qui vient de s’éteindre.

Le village se termine avec quelques maisons semées le long du chemin de la Prielle qui permet d’atteindre Corcelles. Les quelques habitants de ce hameau séparé d’un petit kilomètre paraissent bien éloignés.

A Corcelles, chacun connaît la grosse ferme Payen dont les équipages de chevaux sillonnent les grandes étendues alentours. Paulus Payen sera Maire de la commune pendant 14 années et durant cette période difficile de la guerre 39/45 où il dû faire face “aux Allemands” qui ont séjourné au château ou chez l’habitant. Les anciens raconteront longtemps encore les bombardements qui frappaient la base aérienne de Longvic toute proche et cet obus venu se planter dans le champ au droit de la ferme...

Tous les habitants vivent plus ou moins de la terre. Il y a les fermes cossues et une multitude de mini-cultivateurs. Chaque famille cultive son champ et son jardin, élève ses poules et ses lapins. Le village n’a pas d’autres commerçants sur place ; les boulangers viennent de Remilly et de Crimolois, Monsieur Roussotte, le Boucher arrive de Fauverney comme Jacquinot l’épicier. Un autre boucher de Dijon fait sa tournée par Chevigny. Les plus avantagés ont aussi leur vigne sur le petit coteau en direction de Sennecey, le vin de table pressé après les vendanges est gardé en fûts que l’on soutire à la bouteille tout au long de l’année. Au pied des vignes on trouve les pêchers et leurs fruits parfumés, les asperges, délicieuses aussi, sous leurs monticules.

Les enfants sont également très attirés par la Norges, la rivière qui traverse Chevigny avec ses ramifications qui coulent en de nombreux points alimentant deux grands lavoirs régulièrement fréquentés par des lavandières actives. Que de parties avec les vannes, les caisses à laver, les déversoirs ; que de souvenirs de belles fritures de goujons, de verrons et de grenouilles en automne. Lors des hivers souvent rigoureux la rivière devient patinoire, et dès le repas de midi avalé, les élèves s’y retrouvent pour d’inoubliables glissades ou parties de palets. A l’automne les garçons jouent dans les tas de betteraves et construisent des cabanes qui s’écroulent aussitôt.

Il faudra quelques décennies pour effacer cette difficile période. Puis arrive 1953, une nouvelle municipalité balaye les anciens Cet événement déclenche la construction de nouvelles habitations, ainsi naissent les “Castors” au quartier des Iris... arrive le FPA au château... s’installent les usines et bientôt la SBAP... Le village s’ouvre à l’urbanisation...

Vue d'avion de la SBAP en 1970

Vue d'avion de la SBAP en 1970

Publié dans C'était autrefois

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